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l’esprit et de laisser croire à la femme qu’elle jouit d’une entière indépendance. »


Le 21 au matin.

J’ai dormi assez tranquille, bien triste, je l’avoue, mais résigné à attendre avant d’accuser Lucie. Je commence, tu le vois, à m’aguerrir et à supporter les orages.


Le 22 au soir.

Mon père, mon père, que je suis heureux ! Ce matin, de très-bonne heure, j’ai passé le lac, et, sans me soucier d’être bien ou mal reçu par le général, j’ai attendu dans le jardin de Turdy le réveil de Lucie. Son père était parti avec le jour. Il chasse, non les perdrix et les lièvres, il est trop amoureux des règlements pour enfreindre ceux qui préservent le gibier, mais des loutres et des blaireaux, et même des rats et des belettes. Passionné pour le coup de fusil, il paraît qu’il est toujours debout avec l’aurore. Lucie, qui est matinale aussi, n’a pas tardé à ouvrir la persienne de sa chambre. En m’apercevant, elle a fait un cri de joie, elle s’est habillée à la hâte, elle est accourue me rejoindre avec ses beaux cheveux à peine relevés. La pureté du ciel était dans son regard, je me suis senti ranimé.

« Quelle bonne idée vous avez eue de venir ce matin ! Nous allons enfin pouvoir causer !

— Oui ; Lucie, je pressentais que vous aviez quelque chose à me dire.

— Quelque chose ? Mille choses, toute mon âme !

— Rien de particulier ? »

Je la regardais, je regardais dans ses yeux jusqu’au fond de son cœur. Elle a rougi, mais sans baisser les yeux et sans se troubler.

« Si vous avez une question particulière à me faire,