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avoir essayé d’aimer quelqu’un comme vous essayez de m’aimer à présent, sans perdre le moindre de vos droits à mon respect, et pourtant je serais désespéré d’apprendre que vous avez aimé !

— Alors pourquoi le demandez-vous ?

— Pour que, si cela est, vous ne me le disiez jamais. — Ah ! vous voilà faible, et vous tombez au-dessous de vous-même. Vous avez le courage de votre franchise, mais non celui de la mienne.

— C’est vrai, mais c’est que je ne suis pas fort du tout, Lucie, ou du moins j’ignore si je le suis. Je n’ai eu jusqu’à présent que du bonheur, et je ne sais pas si je me tirerais d’une violente épreuve. Je crois pouvoir répondre que ma conscience n’y laisserait rien de son honnêteté, mais je ne sais pas si je n’y laisserais pas ma vie.

— Allons, allons ! reprit-elle en souriant, ne détournez pas vos yeux des miens et ne soyez pas poltron ! J’ai eu un amour, un véritable amour de femme dans ma vie, et j’ai besoin de vous le raconter ; mais ne tremblez pas comme cela : j’ai aimé un enfant.

— Un enfant ?

— Oui, un enfant de quatre ans, la fille de ma servante Misie, un enfant qui a causé dans ma vie une sorte de révolution ; mais il faut que je remonte un peu dans cette vie d’auparavant. Je vous résumerai mon histoire en quelques mots, et vous la soumettrez au jugement de votre père.

« J’ai toujours été enjouée de caractère et sérieuse d’esprit. Le premier éveil de mon âme s’est fait au sein d’une religion douce et tolérante de formes, grâce à une bonne direction que j’ai rencontrée, mais sévère dans ses conséquences, grâce à un certain besoin de logique ardente qui est en moi. J’ai voulu appliquer cette logique à ma vie, consacrer ma fortune et mes soins