Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/171

Cette page n’a pas encore été corrigée

aux hypocrites qui font de l’idée religieuse un instrument de haine et d’abrutissement, ou tout simplement le marchepied de leur ambition !

Sois sage autant que courageux, ce n’est point facile ! Raison de plus pour essayer.

Sois béni de Dieu comme tu l’es de ton père.

Adresse-moi ta prochaine lettre à Chêneville. Je vais achever mon travail sous les vieux arbres qui t’ont vu naître. Je serai plus près de toi.




XVII.

ÉMILE À SON PÈRE.


Aix, le 13 juin.

Aujourd’hui, je croyais pouvoir aborder la question avec le général ; mais il a écrit de Chambéry qu’il ne rentrerait que demain, et j’ai pu passer la journée dans une sorte de tête-à-tête avec Lucie.

Nous avons causé longtemps en nous promenant dans l’enclos et dans la montagne autour du manoir. C’est un lieu enchanté, et Lucie est une créature divine, mon père ! Nous n’avons plus discuté, nous avons répandu nos cœurs l’un dans l’autre. Nous nous sommes raconté toute notre vie, et quel ravissement pour moi de n’avoir rien à lui cacher, rien à lui taire ! Combien je t’en remercie ! car c’est à toi que je dois d’avoir ignoré les dangereux entraînements de la jeunesse et de l’oisiveté. Je lui ai dit toute notre intimité de travail, de voyages tête à tête, de causerie intime et jamais épuisée, ces soirées d’hiver à la campagne où tous deux, seuls au coin du feu, nous pensions tout haut l’un pour l’autre, et quelquefois entraînés