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tude, jusqu’à ce qu’elles le quittent à force de vétusté, et, comme cela est fatal, rien ne doit nous irriter dans les obstinations de l’habitude.

D’ailleurs, quelle que soit la théorie de l’individu, il peut être dans le chemin pratique de l’idéal, si son âme est plus généreuse que sa croyance, et cette anomalie se présente en nombreux exemples dans la situation particulière aux époques de grande transition. Il ne faudrait donc pas prendre trop à la lettre ce que je t’ai dit sur les eunuques intellectuels. Le mysticisme est une grande machine à mutilation morale ; mais les germes de la véritable virilité lui échappent souvent. J’ai connu des dévots très-philosophes, des esprits forts très-superstitieux, et des athées très-religieux sans le savoir.

Ces exceptions, quelque fréquentes qu’elles soient, ne doivent pourtant jamais servir à réhabiliter l’esprit meurtrier des doctrines ennemies du progrès. Elles ne sont rien de plus que de nobles inconséquences, des révoltes de la vie divine dans les âmes, des protestations qui échappent au raisonnement, des attentats sublimes contre la logique du mal, des contradictions sans lesquelles l’esprit de Dieu eût été entièrement étouffé au moyen âge. La réforme fut une de ces protestations spontanées qui ouvrent une soupape de sûreté à l’étouffement universel. Une nouvelle réforme plus radicale et plus complète se prépare. L’Église romaine se mettra-t-elle en tête du mouvement ? Qui sait ? et pourquoi non ? Voilà pourquoi, mon enfant, il ne faut pas décourager les catholiques comme Lucie, ni les athées comme son grand-père.

Pour conclure, esprit de charité, tolérance et aménité envers tout homme et toute femme de bien qui se trompe ! — Guerre ouverte, guerre à mort au mensonge érigé en parole de Dieu ! Mépris absolu, mépris de glace