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me demanda si j’avais vu la cascade de Jacob, où il avait l’intention de se rendre, et m’offrit de m’y conduire dans un char qu’il avait laissé près des Charmettes. J’acceptai. Nous fîmes donc cette promenade ensemble. Tu vois — et je ne saurais dire comment — que la connaissance était déjà faite.

Je veux essayer de résumer l’entretien qu’à travers quelques déviations inévitables nous avons eu en voiture, parce que cet entretien m’a laissé en proie à beaucoup de réflexions personnelles auxquelles j’ai besoin que ta réflexion assiste.

Tout a roulé sur l’amour, et cela est venu naturellement à propos de Jean-Jacques et de madame de Warens ; puis nos idées se sont éloignées, détachées même tout à fait de ces deux types pour se généraliser à peu près ainsi :

Lui. — Vous faites à l’amour, je le vois bien, une part immense dans la vie humaine. Prenez garde de vous tromper et d’en juger avec l’effervescence de votre âge. L’amour n’est qu’un acte, peut-être seulement un court prologue, dans l’existence d’un homme sérieux.

Moi. — Vous me paraissez un homme très-sérieux. Pourriez-vous, pour l’instruction du très-jeune homme à qui vous faites l’honneur de parler, répondre à une question directe et personnelle ?

Lui. — Voyons la question.

Moi. — Avez-vous aimé ?

Lui. — Ma réponse ne vous apprendrait rien, car je n’entends pas l’amour comme vous, et mon expérience ne suppléerait pas à celle qui vous manque. Ne nous égarons pas dans les faits personnels, toujours variés et changeants. Tenons-nous dans la haute région des principes. L’amour doit-il être pour une âme élevée une