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Vous m’avez connu mélancolique et pourtant bienveillant. Je vivais dans un bon milieu, et, quand j’offrais à Dieu les repentirs profonds de mon âme, je me disais qu’il m’absoudrait de mes péchés en me donnant l’occasion de souffrir encore plus. Cette occasion est venue : appelé à Rome, j’ai vu Rome, et j’ai failli perdre la foi !

J’eus là un temps de révolte intérieure et de dégoût profond dont je ne crus pas devoir vous entretenir, mais qui me força d’ouvrir les yeux sur la perversité des hommes et le pervertissement de la foi. Je résolus de me guérir en travaillant activement à guérir les plaies de l’Église. J’essayai de signaler des abus, d’élargir le cercle des idées, de mettre d’accord la raison humaine et les dogmes sacrés. Je montrai quelque talent dans cette entreprise ; je croyais être agréable à Dieu et au saint-siége. Je me sentais des forces pour une lutte généreuse, de l’habileté pour la discussion. La seule chose certaine, c’est que j’y portais un zèle naïf, une entière sincérité. Vous ne me trouviez pas changé ; je ne l’étais pas malgré ma blessure ; je voyais le mal, je me croyais de force à le vaincre.

Je fus repris, censuré, réduit au silence, après des encouragements trop flatteurs. Ceci s’est passé au commencement de l’année dernière. J’ai vécu quatre mois dans une sorte de désespoir ; je ne vous ai écrit que quand j’ai eu surmonté cette mortelle, cette dernière épreuve. C’est alors que, retiré dans un couvent de moines où je voulais m’ensevelir pour toujours, j’ai rencontré ce pauvre capucin qui m’a ranimé par sa ferveur austère et sublime. Ce qu’il m’a dit et redit cent fois en modifiant fort peu ses expressions, je peux vous le redire au courant de la plume, car je le sais par cœur.

« La religion est perdue. Tout est à recommencer.