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de mon cœur. Je voulais être religieuse et je ne voulais que choisir l’ordre où je me sentirais plus utile à la religion. Qu’ai-je trouvé ? Rien qui parle à ma foi, si ce n’est ce pauvre couvent de carmélites où je vais encore quelquefois et où je n’irai plus, parce que j’y ai reconnu, à mon dernier examen, un esprit étroit et sombre, un ascétisme sans chaleur, un sauvage mépris de l’humanité, une protestation sincère, mais sauvage et stupide, contre la civilisation et contre l’avenir de la société[1].

Ceci n’est pas ce que vous m’avez enseigné, mon ami ! Vous m’avez montré le vaste et riant horizon de la foi sous les couleurs de mon rêve. Ce rêve s’est évanoui. J’ai dû alors rentrer en moi-même et me demander au service de quelle cause sainte et féconde mon cœur toujours croyant et mon esprit toujours logique allaient maintenant se dévouer.

Jusqu’ici, ma vie n’a pas été celle de tout le monde. Il m’a manqué d’avoir une mère, j’ai à peine connu la mienne, et ma grand’tante ne pouvait pas la remplacer ; il y avait trop de distance d’âge entre nous. Mon père a toujours vécu loin de moi, mon enfance s’est donc écoulée dans le monde antique et suranné de Chambéry ou dans l’austère solitude de ce vieux manoir, en tête-à-tête avec un vieillard excellent et charmant, mais tout d’une pièce dans ses idées et fort peu disposé à régler et à développer mes premières aspirations. Point de sœurs, point de compagnes de mon âge ; à Turdy, point de religion ; à Chambéry, beaucoup de pratiques religieuses, aucune dévotion intérieure et sentie. Hélas ! faut-il reconnaître que parmi tant de manières de croire qui

  1. L’auteur n’a pas besoin de dire qu’il ne désigne aucun couvent particulier, et qu’il ignore s’il y a des carmélites à Chambéry ou aux environs.