Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/122

Cette page n’a pas encore été corrigée

irrésistiblement sur la pente du vrai. Tous mes semblables allaient être heureux et bons. Plus de détresse, plus d’isolement pour ma pensée ! L’Évangile était debout, et l’humanité chrétienne était une immense chaîne de mains amies, enlacées les unes aux autres pour s’aider et s’entraîner dans la voie du beau et du bien !

Rêve d’enfant que j’ai bien-pleuré ! Les temps que je croyais venus sont loin encore ! Il n’a manqué qu’une chose à ce grand élan religieux du siècle, la sincérité ! Elle n’y est point ; par conséquent, ni foi, ni charité réelle, ni espérance rassurante dans ce prétendu réveil divin. Le bien s’y fait mal, avec partialité, avec calcul. On y vend l’aumône, puisqu’on y achète la prière. On y spécule de l’aisance des familles et de la sécurité des existences. On y chante les louanges de Dieu sans penser à Dieu. On s’y permet beaucoup de ce que l’on défend aux autres, et le mal lui-même y a quelquefois des sanctuaires de refuge et des licences impunies comme au moyen âge. Ne dites pas que je me trompe, que j’ai mal vu, mal compris, que je subis de funestes influences. Je n’en ai subi aucune, je n’ai jamais laissé discuter ma foi, même par mon grand-père, qui est mon meilleur ami ; je ne suis pas un esprit faible, et je ne m’abandonne pas à l’impression d’un fait isolé. Je n’en signale aucun en particulier, et ce n’est pas le pays que j’habite qui m’a fourni des sujets saillants d’observations ; c’est un ensemble de choses qu’on m’a laissé connaître et apprécier, comptant me rallier à l’œuvre générale. Je ne me suis pas livrée à cet examen attentif et clairvoyant des personnes et des choses par curiosité frivole et avec l’arrière-pensée d’y trouver le prétexte d’une défection. Oh ! non, Dieu m’en est témoin ! mon parti était pris, j’avais accepté d’avance toutes les luttes, et j’allais même jusqu’à la cruauté envers la famille pour réaliser le vœu