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Quant au général, je sais maintenant que je pourrai m’ouvrir à lui aussi. Mademoiselle votre tante m’a fait connaître l’heureux changement qui s’est opéré dans son esprit, et dont ses lettres témoignent. Je compte lui être présenté par elle dès qu’il viendra la voir. Il ne reste donc que votre grand-père à ménager à cause de ses préventions particulières. Je crois que nous pourrons éviter le contact avec lui, et mettre ainsi votre sincérité à l’abri de toute souffrance.

Vous me trouvez changé, Lucie ; n’est-ce point vous qui l’êtes ? Et, d’ailleurs, pouvez-vous dire que vous ayez jamais connu en moi une personnalité quelconque voulant se placer entre vous et Dieu ? Vous avez cru découvrir en moi quelques lumières, et vous m’avez consulté comme on consulte un frère, aîné doué d’expérience et plein de dévouement. Toute ma sagesse consistait, soyez-en sûre, dans une sincérité d’affection que vous ne rencontrerez nulle part aussi entière et aussi pure. Ma tâche était facile. Il n’y avait jamais eu de discussion entre nous, et jamais vous ne m’aviez confié un projet de votre esprit, un vœu de votre cœur, que je ne fusse en mesure de bénir et d’approuver. Votre foi était si belle, si large, si tranquille ! Elle paraissait assurée à jamais, et l’on ne pouvait que remercier Dieu de vous avoir faite telle que vous étiez ! J’ai donc pu vous paraître optimiste et tolérant par nature. Je ne le suis pas, Lucie ; j’ai trop souffert en ce monde pour croire qu’on y trouve le bonheur, et j’ai trop sondé les abîmes de ma propre faiblesse pour croire qu’il y a des fautes légères devant le tribunal d’une conscience vraiment chrétienne. Pécheur entre tous, je ne me flatte donc pas d’avoir expié mes propres chutes, et, si quelque chose pouvait m’en adoucir l’amer regret, c’est le spectacle que me donnait l’épanouissement de vos vertus. Hélas ! dois-je renoncer à cette joie si sainte ?