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quelques heures, j’attendais sur la promenade une personne à qui j’avais donné rendez-vous, quand je me suis croisé tout à coup, dans une allée, avec mademoiselle Élise Marsanne accompagnée d’une parente que je ne connais pas et d’un jeune homme que j’ai su être M. Henri Valmare. J’ai sur-le-champ reconnu Élise malgré le changement qui s’est fait en elle avec les années ; mais, soit que j’aie changé bien plus qu’elle, soit qu’elle n’ait jamais beaucoup remarqué ma figure au couvent de *** à Paris, soit enfin qu’elle n’ait pas le don de l’observation ou le sens de la mémoire bien développé, elle m’a regardé un instant avec une légère hésitation, et ne s’est souvenue de rien. Je vous signale ce fait pour que vous ne l’aidiez point à se souvenir, si elle ne vous interroge pas, et pour que vous l’engagiez à se taire, si ses questions vous mettaient en péril de mentir.

Je la crois encore, sinon pieuse, — elle ne l’a jamais été, et son air n’annonce point qu’elle le soit devenue, — du moins assez soumise à l’autorité religieuse pour ne point oser me susciter d’obstacles. Dites-lui donc que le nom sous lequel elle m’a connu n’est plus celui que je porte, et que j’ai le droit de porter désormais. Quant à mon état, je ne dois pas l’afficher en ce moment ; j’ai pour cela des motifs qui échappent à la discussion frivole, et qu’elle respectera, si elle se rappelle l’attachement filial qu’elle a eu pour moi. Parlez-lui en ce sens. C’est à vous que je confie le soin de ma liberté d’action pour le moment. Ces précautions sont l’affaire de quelques jours, pas davantage.

Vous allez vous demander comment, ne pouvant me faire reconnaître de mademoiselle Marsanne, j’ai su d’elle tout ce qui vous concernait : le hasard m’a servi à l’improviste. Ramené à un banc de verdure que j’avais choisi fort ombragé à cause de la chaleur, je me suis trouvé