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— C’est trop tôt.

— Vous n’êtes donc amoureux de personne ?

Cette brusque question me fit rougir comme un enfant, et je répondis que je n’avais point encore aimé.

— Pourquoi ça ? reprit-elle avec la même aisance que si elle eût questionné une jeune fille.

— Je n’ai pas eu le temps.

— Ah ! oui, le travail, le devoir ! Vous êtes un homme sérieux. M. Brudnel n’a pas eu une jeunesse aussi tranquille. Il paraît qu’il a été un des hommes les plus séduisants de son temps, et qu’à votre âge il avait déjà eu de brillantes aventures,

— Il vous les raconte ?

— Jamais. J’ai ouï dire ; mais de quoi est-ce que je vous parle ? Je suis une étourdie, moi, J’ai l’habitude de penser tout haut, mon éducation a été tardive, incomplète. C’est mon mari qui m’a civilisée avec une patience, une bonté d’ange.

La pente devenait trop roide, elle cessa de parler, bien qu’elle fût en veine d’expansion.

Je devins rêveur. J’éprouvais un grand attrait pour elle, je la trouvais naïve, bonne, d’une grâce irrésistible ; puis, par moments, elle me semblait dépourvue de tact et trop hardie avec moi. Il était bien possible