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un ancien beau passablement ridicule. Je vis que je m’étais trompé ; c’était un homme charmant qui luttait contre les premières atteintes de la vieillesse pour ne pas être à charge et déplaisant.

— J’ai été un grand marcheur, me dit-il en s’arrêtant un peu, non pas un beau montagnard comme vous, mais un chasseur leste et nerveux, passionné pour l’action et le danger. Voici que l’âge me fait sentir son poids. J’irai tant que je pourrai, et puis je me résignerai.

— Vous avez raison de lutter, lui dis-je ; pourtant il n’en faut pas trop faire. Quel âge avez-vous ?

— Je ne cache pas mon chiffre, soixante-deux ans… Et vous, mon enfant ?

— Vingt-quatre ; mais ne parlez plus, la respiration vous manque ; vous avez un commencement d’asthme. Je ne vous dirai pas que dès lors il faut ne plus bouger ; je suis de l’avis contraire. J’ai vu des asthmatiques dont le mal n’était pas trop avancé guérir par un effort modéré, mais continuel, pour rendre à l’organe affecté sa fonction normale.

— Ah çà, mais, dit-il en s’arrêtant encore, vous parlez comme un médecin, mieux qu’un médecin, car le mien me prescrit le repos.

— Je suis un peu médecin : dans la montagne, il faut