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deux ; puis il devint escarpé, et l’Anglais voulut marcher sur la berge rocheuse afin de préserver sa compagne du vertige. Elle s’effraya pour lui, et, quand je l’eus vu trébucher deux fois. :

— Pardon, mon bourgeois, lui dis-je en forçant mon accent méridional, car leur méprise m’amusait et je travaillais à la faire durer, — du moment que vous m’avez pris pour guide, j’ai une responsabilité. Il faut me laisser tenir madame et il faut passer devant moi.

Il y consentit avec la tranquillité d’un gentleman qui ne peut pas être jaloux d’un paysan. Je marchai sur le contre-fort du sentier. Elle appuya sa petite main gantée sur mon épaule. Quand un obstacle se présentait devant elle, je la soulevais en l’entourant de mon bras. Nous montions ainsi depuis une demi-heure, et ce n’était pour moi qu’une promenade. La jeune dame était adroite et légère ; mais l’Anglais était visiblement hors d’haleine.

— Pauvre cher ami ! dit-elle tout haut, comme se parlant à elle-même dans un moment où il était resté en arrière, cela est trop rude pour lui : il se croit toujours jeune…

— Et il n’est plus jeune, répondis-je affectant la simplicité, poussé peut-être par un assez mauvais sentiment.