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sur moi et alla s’asseoir à la fenêtre sans paraître se souvenir d’avoir produit ou éprouvé cette émotion.

Le lendemain, comme la diligence nous emportait vers Paris, et que, suivant son habitude en voyage, mon père dormait splendidement, mon ami me parla de ma sœur avec une certaine vivacité qui n’était pas dans ses habitudes.

— Prends garde, lui dis-je, c’est une sainte, et tu es trop jeune pour le mariage.

— Mais non, reprit-il, je ne suis pas trop jeune, je serai reçu médecin dans un an. J’ai quelque fortune, et tu sais bien que je suis un très-honnête garçon.

— Certes ! et fort bien par-dessus le marché. Tu sais, toi, que je dirais oui avec joie ; mais que de convenances il faut rencontrer pour qu’un mariage soit possible sans froissements ! Tu appartiens à la vieille bourgeoisie de Montpellier ; nous, nous sommes bourgeois d’hier. Dans mon enfance, j’ai flâné sur le pavé de Pau avec ce qu’il y a de plus prolétaire : tu as une fortune claire et assurée, nous,… nous n’avons peut-être rien. Ce cher et excellent homme qui ronfle à côté de toi gagne de l’argent ; mais j’ai découvert que, depuis deux ou trois ans, il joue à la Bourse, et je crois que nous allons à Paris pour jouer encore,