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moi. Pourtant ce n’était pas sa faute ; peut-être se trouvait-elle très-malheureuse, très-humiliée ; peut-être n’aurais-je eu qu’un mot à dire pour qu’elle agréât l’idée de le quitter. Je l’avais tant aimée avant ma déception ! On ne se déshabitue pas aisément d’une idée dont on a vécu un an.

Cependant je ne fis rien pour savoir ce qu’elle était devenue. Je voulais être médecin, avoir un état, ne devoir mon avenir qu’à moi-même, soutenir ma mère et ma sœur, si les affaires de mon père tournaient mal, et puis j’aimais la science et je m’y donnai tout entier, me disant qu’après tout ma chimère amoureuse m’avait bien servi, puisqu’elle m’avait préservé des emportements aveugles de la première jeunesse.

Quelques mois plus tard, ma mère, qui m’écrivait souvent des lettres très-bien rédigées, très-naturelles et très-nettes, m’apprit que Jeanne avait été demandée en mariage par un jeune avocat qui paraissait un très-bon parti et qui était fort agréable de sa personne, mais qu’elle avait refusé, se trouvant trop jeune et voulant continuer sans préoccupations de famille l’étude de la musique, son unique passion désormais. « Il est certain, ajoutait ma mère, qu’elle fait des progrès et révèle des dons surprenants ; cela est si remarquable, que je n’ose pas lui montrer l’admiration