Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/351

Cette page n’a pas encore été corrigée

la vérité. Ces tristes événements sont presque oubliés ; pourtant il faut peu de chose pour réveiller les anciens commentaires, et Jeanne est si jalouse de la réputation de sa mère, qu’elle mourrait plutôt que de laisser percer la vérité. Et moi aussi, je suis jaloux de cette chère mémoire, mais je ne peux pas y sacrifier ma fille, je ne le dois pas. Ayons donc du courage ; je m’éloignerai d’ici pendant un an, deux ans, s’il le faut, afin qu’on m’oublie et n’établisse pas de coïncidences. Vous déclarerez dès demain à toutes vos connaissances que Jeanne a été prise par vous aux enfants trouvés pour vous consoler de la mort de votre fille, et vous ferez, publier les bans. Je le veux, ma chère madame, ma digne amie, je le veux absolument ! Laurent ne sera plus jaloux de moi quand je serai son père. Un jour viendra où nous pourrons ne plus nous quitter. Il m’aimera alors comme je l’aime.

Je m’étais levé et approché d’eux sans bruit ; je tombai aux genoux de cet excellent homme trop souvent méconnu par moi, et je fondis en larmes.

— Attends ! me dit-il en m’embrassant avec tendresse. Le piano de Jeanne s’est arrêté, elle va venir ici. Je crois que tu as quelquefois douté de son affection exclusive, il faut que nous la fassions parler librement. Où t’étais-tu donc caché pour nous entendre ?