Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/338

Cette page n’a pas encore été corrigée

genre, et effectivement mes angoisses ne partaient que d’un cœur profondément pénétré.

— Ce ne peut être que de l’amitié fraternelle, me disais-je ; mais ici il y a une nuance de plus, c’est que le monde seul est entre nous et que nous nous sentons libres dans notre affection. S’il nous est interdit de nous appartenir, et nous nous estimons trop l’un l’autre pour nous en plaindre, je sais maintenant que Jeanne m’a toujours aimé comme je l’aime depuis mon retour ici ; pourra-t-elle se contenter toujours, d’un sentiment si contenu et si stérile ? Ma mère veut qu’elle se marie, il est difficile d’admettre que Jeanne ne le voudra jamais. Moi-même, je dois vouloir qu’elle connaisse les joies suprêmes de la famille ; alors, nécessairement son mari et ses enfants seront tout pour elle.

Et je me surprenais, non pas en proie aux tortures d’une jalousie sensuelle, mais déchiré de cœur au point que des ruisseaux de larmes me brûlaient les joues.

La vérité, dont je me rends compte à présent, est que j’aimais Jeanne de toutes les forces de mon être, mais que mon amour était comme imprégné et sanctifié par l’habitude de l’aimer comme ma sœur.

Ma mère avait fixé le jour où elles reviendraient. Ce