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Mais, au lieu de dormir, je pris encore ma tête dans mes mains et retombai dans des perplexités poignantes. Jeanne, née du légitime mariage de mes parents et pourtant fille de sir Richard, ne pouvait être que la fille de ma mère, une faute acceptée par son mari, une faute de cette sainte femme, objet d’une vénération sans bornes !

— Non, m’écriai-je en me levant sur mon lit et en me tordant les bras, cela n’est pas, cela ne peut pas être ! Et pourtant combien de probabilités péniblement ressassées pour que cela dût être ! L’amour immense de ma mère pour Jeanne, son émotion quand je lui avais appris que sir Richard était mon client, l’intimité qui régnait de nouveau entre eux, leur correspondance qu’il m’était interdit de lire, ces rendez-vous mystérieux… Je ne pus y tenir, je redescendis chez ma mère qui déjà s’était recouchée, mais qui ne dormait pas. Je tombai à genoux devant son lit que j’arrosai de mes larmes.

— Je suis fou, lui dis-je. Je suis désespéré, pardonne-moi ! Dis-moi que Jeanne n’est pas ta fille !

— Ah ! me dit-elle en me prenant par les cheveux avec un bon rire tendre, tu l’as donc enfin deviné ?

— Merci, merci ! lui criai-je en couvrant ses mains de baisers. Si tu savais quel bien tu me fais !