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la fortune, devienne, dans la fleur de son âge, la compagne, la garde-malade d’un vieillard ; non, je ne le veux pas, je ne le souffrirai pas !… à moins pourtant… — un éclair trouble passait devant mes yeux, — à moins qu’elle ne soit sa fille !

Mille souvenirs vagues se pressèrent alors dans mon esprit. Elle n’était, disait-elle autrefois, ni la fille de ma mère, ni celle de mon père. J’ai pourtant vu des actes irrécusables, Cécile-Jeanne, née du légitime mariage de mes parents… D’ailleurs, pourquoi me cacherait-on ce secret de famille ? Quel qu’il soit, je l’accepte ; mais, s’il n’existe pas, si Jeanne est ma sœur, je ne permettrai pas qu’elle dispose d’elle-même sans me consulter !… et, quittant la fenêtre, j’allais descendre au salon au risque d’offenser ma mère, lorsqu’on ouvrit la porte au-dessous de moi ; je me glissai jusqu’à la rampe de l’escalier, et j’entendis Jeanne dire à demi-voix dans le vestibule :

— Oui, oui, mon père, nous irons certainement ; comptez sur nous. Embrassez-la pour moi.

Ma mère et Jeanne reconduisaient sir Richard par le jardin. Je pus remonter à ma chambre et me jeter sur mon lit. Puisqu’on dissimulait avec moi, je pouvais dissimuler aussi et paraître ignorer le secret qu’on ne daignait pas me révéler.