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pable d’infidélité, et ma mère était donc d’une générosité sublime ?

Je fis d’inutiles efforts pour me rappeler les circonstances de la naissance de Jeanne. J’étais si préoccupé, que je ne pus m’empêcher de demander à ma mère si Jeanne était née à Pau.

— Non, répondit-elle, elle est née à Bordeaux.

— Est-ce que j’y étais dans ce temps-là, moi ?

— Tu y étais, tu ne peux t’en souvenir ; mais je crois qu’il est temps de se coucher.

Elle avait l’habitude de couper court à toutes les questions. Je retombai dans la nuit. Mon enfance avait donc été environnée de mystères ? Mais non, Jeanne, avec sa dévotion exaltée, devait être sujette aux hallucinations. Je ne voulus pas la questionner davantage, mais j’en restai triste et inquiet. Jeanne était après ma mère l’être que j’avais le plus aimé. Si l’impétuosité inhérente à mon sexe m’avait souvent emporté loin d’elle, si l’amour de l’étude avait pris une grande place dans ma vie, je n’en avais pas moins un grand fonds de tendresse pour la petite compagne de mes premiers jeux. Ce que mes seuls souvenirs bien précis me retraçaient, c’est l’âge où ma mère, me voyant assez fort pour porter cette enfant, m’avait dit en la mettant dans mes bras :