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Et Jeanne mutila la statuette avec une sorte de cruauté, en riant aux éclats.

Je ne pus me retenir de lui demander pourquoi elle n’avait pas épousé Vianne, qui pensait absolument comme elle.

— Est-on forcé, répondit-elle, d’épouser tous ceux dont on partage les opinions ? Mais, toi qui parles, tu ne penses donc pas comme moi ?

— Non, je ne fais pas cette distinction subtile entre l’amour et la tendresse.

— Alors, c’est une affaire de qualifications. Tu crois que l’amour peut être tendre ?

— Et dévoué.

— Mais penses-tu que la tendresse puisse être violente et passionnée ?

— Tu m’embarrasses ; quel casuiste tu fais !

— Je suis logique. J’ai demandé à Dieu et à ma mère le secret pour être heureuse, car tous les enfants veulent être heureux sans se soucier d’être justes. Dieu et ma mère m’ont répondu : « Être heureux, c’est donner du bonheur aux autres. » Je me le suis tenu pour dit ; j’ai réfléchi à cette loi que ma mère savait si bien mettre en pratique, et peu à peu, après les inévitables rechutes dans l’égoïsme naturel, je me suis fait ma petite morale tout d’une pièce :