Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/281

Cette page n’a pas encore été corrigée

Nous nous promenions dans le parc du château de Pau, un des plus beaux sites de France ; Jeanne, qui me donnait le bras, me montra une jeune femme, une sorte de spectre, aux yeux fixes, assise sur un banc, à côté d’une femme âgée, non moins triste et comme détachée de toutes les choses de ce monde.

— N’est-ce pas, lui demandai-je, mademoiselle C…, une de tes anciennes compagnes de couvent, qui est devenue folle ?

— Hélas ! oui, répondit-elle, tu vois dans quel état ! Sa mère meurt avec elle ; elle veut seulement vivre jusqu’au dernier souffle de la pauvre Louise. N’ayons pas l’air de les voir ; elles s’enfuiraient sans nous répondre.

— Sait-on enfin la cause de cette démence ?

— Oui, on la sait, répondit Jeanne, c’est un chagrin d’amour. On peut le dire ; il n’y a eu pour elle aucune aventure. Elle a fixé ses préférences et ses espérances sur un jeune homme qui ne l’a même pas su et qui n’avait jamais songé à elle. Le jour où il s’est marié, Louise est tombée dans cette mélancolie noire qui peu à peu est devenue une réelle aliénation. Les médecins disent que cette inclination contrariée n’a été que le prétexte fortuit qu’une imagination déjà égarée s’est donné à elle-même. Pourtant je me souviens d’avoir