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il n’y a pas d’intimité absolument innocente entre personnes qui ont eu le désir involontaire ou consenti de s’appartenir. M. Brudnel le sait bien, et le pardon lui coûtera beaucoup ; mais il y arrivera, parce qu’il aime depuis longtemps, l’habitude y est, et la vieillesse vit d’habitudes. Lui seul, tu l’as fort bien observé, peut tout pardonner, et il est plus engagé que toi qui acceptais l’avenir dans une heure de vertige, tandis qu’il a accepté le passé durant des années d’abnégation. Tu as été la dupe de tes sens, mon cher Laurent, et encore plus de tes théories sur la réhabilitation des âmes dévoyées. Te souviens-tu de nos discussions ? Te voilà arrivé à l’expérimentation fatale de nos problèmes philosophiques. Peut-on laver une âme comme on lave un vêtement ? Moi, je disais non, je le dis encore. Quelque sincère que soit le repentir du passé, il y a l’organisation qui proteste et dont le premier élan reste invincible. Cette Espagnole t’a aimé sans réflexion et sans raisonnement, comme à seize ans elle avait aimé le freluquet qui l’a enlevée à Pampelune… Depuis ce jour-là, six ans s’étaient écoulés dans la retraite et l’abstinence avec la volonté très-bien entendue d’arriver pure au mariage, et la voilà qui abandonne ce projet si lentement mûri et qui te le sacrifie uniquement parce que tu as vingt-cinq ans et que tu