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dre d’elle ! Sachez bien que je me condamne absolument et que je veux m’en punir, dussé-je laisser ma vie dans cet effort suprême ! Je vous quitte, recevez mes adieux et pardonnez à Manuela. Elle n’est pas coupable, elle vous aimait, c’est moi qui lui ai fait répudier cet amour comme une honte ; oui, c’est moi, avec cette perversité d’égoïsme que le désir aveugle suggère aux meilleures consciences ; c’est moi qui l’ai fait rougir de sa situation, et qui, en affectant de la dédaigner, lui ai laissé voir la jalousie, par conséquent la passion qui me dévorait. Et puis cette Dolorès, qui la gouverne et que je hais, nous a poussés malgré nous dans l’abîme. Elle a réussi à nous persuader que vous seriez très-heureux de vous dégager, et le dépit, oui, très-probablement le dépit a jeté Manuela dans mes bras : mais vous savez tout : puisque vous nous observiez, vous savez que nous n’avons échangé que des paroles…

— Et des baisers ! reprit sir Richard en riant, beaucoup de baisers !

— Oui, des baisers que vous pouvez bien oublier, puisque vous avez oublié ce qui s’est passé à Pampelune. Vous seul connaissez assez Manuela, ses grandeurs et ses défaillances, son irréflexion, sa spontanéité, les dangers de son isolement, pour être d’une