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vous retrouve et vous reconnais ; mais, rassurez-vous, je ne suis point un héros, je suis un homme raisonnable, je suis content de vous avoir prouvé que Manuela mérite votre attachement sérieux, puisque je n’eusse point hésité à lui donner mon nom. Il eût été malheureux pour moi de ne pas savoir qu’elle vous aime. Sa reconnaissance filiale l’eût peut-être entraînée à se sacrifier. Voilà pourquoi, dans des circonstances si graves pour notre avenir à tous trois, je ne me suis pas fait scrupule de vous surprendre. Tout est donc pour le mieux. Nous nous connaissons maintenant, et rien ne troublera plus notre amitié. Permettez-moi maintenant de me retirer, je suis réellement fatigué de mes rapides voyages, et je lutte contre le sommeil. Demain, nous parlerons de la santé de Manuela. Je ne la crois ébranlée que par des causes morales qui n’existent déjà plus…

— Et la vôtre ! lui dis-je, frappé de l’altération de ses traits soudainement détendus.

— Oh ! ne parlons plus de cela, répondit-il en retrouvant sa vivacité enjouée, j’ai un but dans la vie à présent ! J’ai ma fille, je veux vivre et je vivrai !

Je le suivis à son appartement, mais il refusa mes soins et me congédia avec des paroles affectueuses et douces.