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— Je suis à toi, lui dis-je, tu as vaincu, je t’appartiens. Quel sera l’avenir, je l’ignore ; oublions-le, ne soyons qu’au présent, il est la vérité. Nous nous aimons, et, je veux enfin te le dire, je t’ai aimée toute ma vie ! Oui, je t’aimais à seize ans sans t’avoir jamais vue, nos parents nous destinaient l’un à l’autre, et je t’adorais au collége. Je te voyais dans tous mes rêves, j’étreignais ton fantôme sur mon cœur. J’ai été à Panticosa à travers les glaciers et les précipices pour te voir. Je ne t’ai pas vue, mais je t’ai aperçue à Bordeaux, partant pour l’Espagne avec ton père. Et puis plus tard j’ai couru à Pampelune pour te retrouver. J’ai appris des choses qui m’ont brisé le cœur. J’ai voulu t’oublier. Je t’ai retrouvée aux Pyrénées, et un instant j’ai cru te reconnaître ; mais ton nom d’emprunt et ton accent parisien m’en ont empêché. Depuis que je vis près de toi, je me défends, je me combats, et à présent, au moment où je veux te fuir et te détester, tu me brises ! Eh bien, me voilà brisé, je t’adore, je deviens fou, tu l’as voulu.

— Oui, je l’ai voulu, répondit-elle en me pressant sur son cœur, et je n’aurai jamais le droit de te le reprocher, car tu t’es défendu comme un lion contre moi. Cette victoire-là n’est pourtant pas le fait de mon habileté, j’ai été sincère, voilà tout. Tu vois bien que