Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/203

Cette page n’a pas encore été corrigée

Je crus avoir atteint ce but, car pendant trois jours non-seulement je ne la vis pas, mais Dolorès ne parut pas chez moi. Je fis demander des nouvelles de madame. Le négrillon vint me dire que madame me remerciait et qu’elle allait très-bien. Je ne le croyais guère, car je voyais le jardin silencieux et fermé. Plus de rires, plus de castagnettes sous la tendine. On eût dit que les chiens et les perruches étaient devenus muets. Ou l’on me boudait ou l’on souffrait davantage. Je n’étais pas sans remords. J’avais bien mal soigné ma malade, lui versant d’une main de l’opium, de l’autre lui déchirant le cœur. J’avais déchiré le mien davantage. Chose étrange, quand j’étais auprès d’elle, tout m’exaspérait ; seul, je me la rappelais bonne et charmante, j’oubliais son irritante situation.

Je cherchais un prétexte pour la revoir, quand je reçus une lettre de M. Brudnel. Je vis, dès les premiers mots, que la mienne ne lui était point parvenue. Cette lettre était datée de Pau :

« Mon cher docteur, me disait-il, me voici en route pour Bordeaux, où je dois conférer avec mon banquier pour un gros remboursement aux héritiers de ma sœur. C’est une affaire simple et facile, car depuis longtemps la somme est placée entre les mains de ce banquier en prévision de ce qui arrive. Mon revenu