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ler madame et à dire aux domestiques que vous étiez mariée avec lui. Ma naissance et mes principes ne me permettaient pas de servir une personne indigne de respect. Vous étiez pure, je le sais, mais personne n’eût voulu le croire. M. Brudnel était absent dans ce moment-là. Quand il revint, le pli était pris. Il me gronda de ne vous avoir pas plutôt fait passer pour sa fille. Il était trop tard pour changer ce qui était. Il a subi le rôle que je lui avais donné, mais je ne pense pas que cela l’engage à le ratifier par un mariage.

— Enfin ! s’écria Manuela en s’adressant à moi, elle veut me désespérer, vous voyez ! Et elle me rend plus malade, elle qui prétend m’aimer plus que tout au monde !

— Serez-vous, lui dis-je, réellement désespérée, si vous restez avec sir Richard dans les conditions privilégiées où vous êtes depuis cinq ou six ans ? Que vous manque-t-il ? Rien, pas même la considération, puisqu’il vous a laissée usurper le titre d’épouse. Vous vous ennuyez, vous souffrez d’être trop enfermée ; il s’agit d’obtenir qu’il vous fasse sortir plus souvent et qu’il vous conduise en voiture au lieu de vous accompagner à cheval. Cela ne me paraît pas bien difficile, et, dès qu’il vous saura souffrante, il s’empressera de vous satisfaire.