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vouée, qu’il s’habituerait à ses soins, à son charmant caractère, et qu’il ne pourrait plus se passer de son amitié ; mais son amour, il le craint, il le fuit et il voudrait pouvoir l’éteindre en soufflant dessus. Le mariage lui ferait une obligation d’y répondre. Eh bien, pour une fille qui a attendu si longtemps, un homme de l’âge de M. Brudnel, habitué d’ailleurs à la regarder comme sa fille… Non, il croira commettre un inceste ; et puis une autre raison encore : s’il fait accepter à sa sœur le remboursement que vous savez, il sera peut-être gêné, et avec une femme qu’il a habituée à être sultane, c’est-à-dire à n’être que dépense et non-valeur dans un ménage… Vous voyez, voilà bien des raisons. D’ailleurs, qu’il épouse ou n’épouse pas, jamais il ne consentira à ce que Manuela soit libre d’aller et venir comme les autres femmes. Il n’a pas confiance en elle ; il croit qu’elle ne doit sa vertu qu’à l’isolement où il la tient. Il croit qu’elle a la tête faible, le cœur facile, les sens…

— Et peut-être ne se trompe-t-il pas ?

— Il ne se trompe pas, si elle doit être la femme d’un vieillard. Autrement, il se trompe. Manuela est plus forte et plus digne qu’il ne pense !

— C’est possible ; mais tout cela ne me regarde pas. M. Brudnel ne m’ayant pas fait de confidences, je n’ai