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qui se meurt. Ses enfants hériteront-ils de la prétention qu’elle a si obstinément soutenue ? Il fallait donc bien qu’il me quittât pour aller dénouer cette affaire. Je l’ai supplié, moi, de céder sa succession. Que m’importe ce qu’il me laissera ? ne perdrai-je pas tout en le perdant ? Est-ce que je me suis jamais inquiétée de la richesse ? est-ce que je sais si je lui survivrai ? Il me semble que, lui mort, je mourrai ! Tout ce que je désire, c’est d’être sa compagne légitime, c’est de posséder, de connaître enfin son amour ; je dirai plus, c’est de connaître l’amour que j’ignore, puisqu’à vingt-trois ans je peux bien dire ne pas savoir ce que c’est ! Ne riez pas, docteur ! Je suis pure sans mérite aucun, je l’avoue, puisque ma vertu vient des circonstances et non de ma volonté ; mais me voilà vierge de fait dans l’âge où les passions s’éveillent et où le cœur parle sérieusement. Vous souriez encore ! Allons, c’est décidé, vous ne voulez m’accorder aucune estime ? Du moins vous voilà forcé, je pense, de ne plus me mépriser, et je vous reste parfaitement indifférente.

— Je vous ai dit, repris-je, que j’aurais peut-être quelques observations à vous faire : me les permettez-vous ?

— Certainement, je les demande.