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arrivât. Je lui répondis toujours que je ne voulais ni dot, ni mari, ni liberté, que je ne m’occupais point de l’avenir, que je serais toujours heureuse, pourvu que je le visse tous les jours, ne fût-ce qu’un instant.

» Mon désintéressement et mon attachement l’attendrissaient. Il baisait mes mains souvent, mon front quelquefois ; il m’appelait sa bonne fille, son enfant. Jamais, devant Dieu, je le jure, il n’a été plus loin avec moi. Il avait encore des affaires de cœur dans son monde, je le savais, je surmontais l’inquiétude et la jalousie, puisque je ne perdais pas ma place dans ses affections.

» Mais permettez-moi de me reposer, pour finir plus vite. Malgré moi, je suis entrée dans plus de détails que je ne voulais vous en dire ; c’est votre physionomie, toujours railleuse, qui m’y a forcée. Faisons une pause et dites ce qu’à présent vous pensez de moi. Vous avez l’air de ne pas me croire sincère ! »

J’étais assez troublé, je n’eusse pu dire pourquoi, j’hésitai à répondre ; enfin je lui dis :

— Si vous êtes sincère, je veux l’être aussi. Je vous étudie froidement (je mentais, mais ne croyais pas mentir). Votre histoire m’étonne beaucoup ; elle est invraisemblable. Elle est pourtant possible, étant donnés l’âge, la maladie et avant tout la belle âme de