Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/153

Cette page n’a pas encore été corrigée

près de moi. Je l’avais désirée Espagnole pour ne pas oublier ma langue. Quand sir Richard venait me voir, il tenait à ce qu’elle fût toujours en tiers. Voyant sa résolution bien prise, je ne cherchai jamais à être seule avec lui, et il parut m’en savoir gré.

» J’eus des livres, des maîtresses, un piano, un chien et des oiseaux pour me distraire. Rien ne manquait pour m’instruire et me désennuyer ; mais j’ai la tête dure et point de mémoire. J’appris bien peu et bien mal, et des choses que j’ai retenues il en est plusieurs que je ne comprends guère. J’étais plutôt artiste. J’ai une jolie voix et je suis folle de la danse. Dolorès me fit danser, elle y excelle, mais la science musicale ne me vint pas. Je chante agréablement, je ne suis pas musicienne. M. Brudnel vit que je n’étais pas intelligente. Il ne pouvait pas m’en faire reproche, je n’y pouvais rien malgré la peine que je me donnais. Nos relations ne changèrent pas.

» Je m’exerçais au courage, à la patience. Un jour, j’appris par les domestiques, que Dolorès faisait causer, qu’il avait une intrigue avec une chanteuse célèbre de la Fenice. J’en eus un chagrin violent ; je résolus de mourir. Je pris du poison qui ne me tua pas, mais qui me fit tant de mal que je m’en ressens encore. J’avais fait jurer à Dolorès qu’elle ne me trahi-