Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/146

Cette page n’a pas encore été corrigée

sais, son souvenir m’était à charge. Combien j’aurais voulu effacer ma faute pour être digne de la tendresse de mon bienfaiteur ! mais je vis bien à la réserve de M. Brudnel qu’il fallait la mieux mériter, et je m’observai assez moi-même pour qu’il ne se doutât de rien.

» Il me mit en pension à Paris, où il passa l’hiver. J’étais fort bien traitée et j’eusse pu être heureuse ; mais j’étais trop en arrière des élèves de mon âge. Il était question de me mettre aux études des enfants. M. Brudnel, qui venait me voir tous les quinze jours, comprit mon humiliation et combien je serais déplacée avec des fillettes de dix à douze ans. Il s’informa et décida que j’aurais des professeurs dont je prendrais les leçons dans l’appartement de la directrice.

» Je fis de mon mieux d’abord, mais il était écrit que je ne m’instruirais pas ainsi. Je n’avais pas l’habitude de travailler ; j’étais un oiseau voyageur, j’aurais voulu refaire connaissance avec ce Paris de mon enfance que j’avais tant aimé. Je ne sortais pas, et le quartier où était situé l’établissement était alors un désert de jardins abandonnés et de démolitions. Ma pensée se reportait sans cesse vers M. Brudnel, que j’aurais voulu voir à toute heure et que je voyais si peu, toujours en présence des maîtresses et contraint plus qu’il ne l’avait été en voyage. Je fus