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que, la femme étant appelée à obéir, un grand amour pouvait seul lui rendre l’obéissance agréable ou sacrée. Or je n’ai pour M. Vianne qu’une très-bonne et sincère amitié. Maman croit qu’il arrivera à m’inspirer un sentiment plus vif ; ce sentiment, c’est sans doute l’enthousiasme ou la tendresse. M. Vianne est bien raisonnable pour exiger tant de ferveur. Il est bien portant, bien posé, bien sage. Quel besoin a-t-il d’une compagne comme moi ? Moi j’ai besoin d’un culte, parce que je ne suis ni si sage, ni si tranquille ; je me suis donnée à la musique. Quel rapport pourra donc s’établir entre la musique et le mariage ? Je n’en vois pas.

» Me diras-tu, ce que tu m’as déjà dit, que l’on ne vit pas uniquement de jouissances intellectuelles et qu’un cœur vide est un cœur mort ? Mais n’ai-je pas deux êtres à aimer, et n’est-ce point assez ? Ma mère et toi, n’est-ce pas de quoi bien remplir et faire vivre mon cœur ? Ma mère m’aime tant ! Si ma faculté d’aimer venait à s’engourdir, elle la réveillerait bien vite par l’ardeur et la délicatesse exquise de sa tendresse. Pourquoi me supposerait-on l’âme froide parce que je n’aimerais pas en dehors de la famille ? Nous avons eu une enfance si choyée et plus tard une vie si heureuse ! Tu es aussi en âge de te marier, toi, et tu n’y