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qui se portait très-bien. Bientôt cependant je vis que je n’étais pas pour rien dans l’amélioration sensible de sa santé. Je lui mesurais avec soin chaque jour la dose d’exercice qu’il devait prendre. Je veillais à son alimentation, à son vêtement, à ses occupations intellectuelles avec beaucoup d’attention. Je l’étudiais et lui apprenais à s’étudier lui-même. Il m’accompagna bientôt dans mes promenades, et, comme il se souvenait d’avoir été robuste et infatigable, j’étais forcé de l’arrêter quand il s’emportait. Il aimait à faire des armes et me pria d’en faire avec lui. Il était de première force, mais je n’étais pas maladroit, et il se passionnait à cet exercice. J’usais de mon autorité pour le contenir. Je voyais bien que, pour obtenir un bon effet du mouvement que je lui permettais, il fallait une prudence méticuleuse.

J’eus toute la révélation de son caractère dans cette lutte amicale de tous les jours. Sous son air doux et poli, c’était une nature ardente, insatiable dans l’expansion. Il avait été longtemps plus jeune d’au moins vingt ans que son âge. Atteint depuis peu d’années, il n’en prenait pas son parti ; il était incapable de la résignation qu’il se piquait d’avoir au besoin. Infirme et brisé, il eût su se taire et sourire ; il se fût consumé rapidement dans un muet désespoir. Je vis que sa