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et que ceux qui s’en servent ne se rencontrent pas sans rire.

J’accorderais beaucoup de raison et de sagesse à nos catholiques nouveau-nés, si, en déclarant, comme ils font, qu’ils proscrivent les méchants prêtres, les moines dissolus, et qu’ils leur attribuent tout le discrédit où est tombée la chère orthodoxie, ils ne réservaient pas des anathèmes encore plus âpres et des mépris encore plus acharnés pour les épurateurs de l’Évangile. Mais leur logique est en défaut quand ils s’attaquent si violemment à la réforme de Luther, eux qui se posent en réformateurs nouveaux, en chrétiens perfectionnés.

Si on rétablissait les couvents et les bénéfices, ils jetteraient des cris affreux et recommenceraient Luther et Calvin, sans daigner s’apercevoir que l’idée n’est pas neuve, et que la route vers une juste réforme a été frayée par des pas plus nobles et plus assurés que les leurs. Je voudrais bien savoir si ces beaux confesseurs de la foi catholique blâment les mesures prises dans l’Assemblée nationale relativement aux biens du clergé ; m’est avis, au contraire, qu’ils s’en trouvent fort bien, et qu’ils ne seraient pas très-contents de voir relever les abbayes et les monastères aux dépens des métairies que leurs parents installèrent, il y a quarante ans, sur les ruines de ces propriétés, si agréablement acquises, si lucrativement exploitées, si bonnes à prendre, en un mot, et si bonnes à garder. S’ils méprisent Luther et Calvin pour avoir fait la guerre aux richesses ecclésiastiques en vue de la perfection chrétienne, et non au profit d’un clergé nouveau, je leur conseille de ne s’en point vanter et de garder leurs biens nationaux, sans insulter la mémoire de ceux qui, les premiers, osant prêcher aux apôtres de Jésus la pauvreté, l’austérité et l’humilité de leur divin maître, préparèrent au clergé catholique ce qui lui est arrivé en France et ce qui lui arrive aujourd’hui en Espagne. L’apparente hypocrisie de ceux qui les attaquent ferait horreur,