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à l’âme humaine, et qui, en revanche, lui révéla l’espérance du ciel. C’est la Providence que tu méconnais souvent, mais à laquelle te ramènent les vives émotions de ta joie et de ta douleur. Elle s’est apaisée, elle a exaucé mes prières, elle t’a rendu à mon amitié ; c’est à moi de la bénir et de la remercier. Si sa bonté t’a fait contracter une dette de reconnaissance, c’est moi qui me charge de l’acquitter, ici, dans le silence de la nuit, dans la solitude de ces monts, dans le plus beau temple qu’elle puisse ouvrir à des pas humains. Écoute, écoute, Dieu terrible et bon ! Il est faux que tu n’aies pas le temps d’entendre la prière des hommes ; tu as bien celui d’envoyer à chaque brin d’herbe la goutte de rosée du matin ! Tu prends soin de toutes tes œuvres avec une minutieuse sollicitude ; comment oublierais-tu le cœur de l’homme, ton plus savant, ton plus incompréhensible ouvrage ? Écoute donc celui qui te bénit dans ce désert, et qui aujourd’hui, comme toujours, t’offre sa vie, et soupire après le jour où tu daigneras la reprendre. Ce n’est pas un demandeur avide qui te fatigue de ses désirs en ce monde ; c’est un solitaire résigné qui te remercie du bien et du mal que tu lui as fait………
……C’est ce qui me força de revenir vers la Lombardie et de remettre le Tyrol à la semaine prochaine. J’arrivai à Oliero, vers les quatre heures de l’après-midi, après avoir fait seize milles à pied en dix heures, ce qui, pour un garçon de ma taille, était une journée un peu forte. J’avais encore un peu de fièvre, et je sentais une chaleur accablante au cerveau. Je m’étendis sur le gazon à l’entrée de la grotte, et je m’y endormis. Mais les aboiements d’un grand chien noir, à qui j’eus bien de la peine à faire entendre raison, me réveillèrent bientôt. Le soleil était descendu derrière les cimes de la montagne, l’air devenait tiède et suave. Le ciel, embrasé des plus riches couleurs, teignait la neige d’un reflet couleur de rose. Cette heure de sommeil avait suffi pour me faire un bien extrême. Mes pieds étaient désenflés,