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soit avec le corps, soit avec l’esprit, selon ses besoins et ceux d’autrui. Quand il est las, il se repose et pense à Dieu ; quand il est malade, il se résigne et rêve au ciel.

« Le juste ouvre son cœur à l’amitié. Ce qu’il aime le mieux après Dieu, c’est son ami ; et il ne craint jamais de l’aimer trop, parce qu’il ne peut aimer qu’un être digne de lui.

« Le juste est orgueilleux, mais non pas vain. Il ne sait point s’il est jeune, beau, riche, admiré, il sait qu’il est juste ; et quoiqu’il pardonne à ceux qui le méconnaissent, il s’éloigne d’eux. Il sait que ceux qui ne le comprennent point ne lui ressemblent point, et que s’il pouvait les aimer il cesserait d’être juste.

« Le juste est sincère avant tout, et c’est ce qui exige de lui une force sublime, parce que le monde n’est que mensonge, fourberie ou vanité, trahison ou préjugé.

« Le juste méprise l’opinion de la foule ; il est le défenseur du faible et de l’opprimé, et n’élève la voix parmi les hommes que pour défendre ceux que les hommes accusent injustement. Il ne s’en remet à personne du soin de prononcer sur un accusé. Il ne croit au mal que quand il le sait, et, sans s’inquiéter de l’anathème ou de la risée des gens, il va écouter les plaintes de Job jusque sur son fumier.

« Le juste pèche sept fois par jour, mais ce sont des péchés de juste. Il y en a qu’il ne commet jamais, et qu’il ne soupçonne même pas.

« Le juste est souvent injurié et calomnié ; mais il obtient toujours justice, parce qu’il l’aime, parce qu’il la veut, parce qu’il est fort et sait l’imposer. Il a des ennemis, des indifférents ; quelquefois la foule entière est contre lui ; mais il a pour amis quelques justes comme lui, qui se cherchent et se rencontrent dans cette vie, et à qui Dieu donne son royaume dans l’autre. »


Cette singulière déclaration de mes droits de l’homme,