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les sept cordes de la lyre

jusqu’à l’empyrée l’hymme glorieux qui s’exhale de moi !… (La lyre est restée muette.)

Le maestro. Quel dommage ! notre pauvre ami est devenu fou ! Qui me fera mes libretti maintenant ?

Le critique, avec ironie. Je ne trouve pas monsieur plus fou que de coutume.

Le peintre, il rit aux éclats et se renverse sur sa chaise. Je meurs, j’étouffe ; je n’ai jamais rien vu de si divertissant !

Le poëte. C’est vous qui excitez mon ironie et ma pitié ! Votre jalousie perce enfin, et je vois qu’au moment où ma force éclate, votre haine à tous ne peut plus se contenir. Vous avez toujours été mes ennemis, je le savais, allez ! et, si j’écoutais avec patience vos flatteries, c’est que mon mépris vous préservait de mon indignation ; mais il est temps que je sorte de cette atmosphère impure. Je me sépare de vous, je vais remplir le monde de ma gloire, et, comme le divin Orphée, porter aux hommes les bienfaits de la civilisation dans la langue sacrée dont j’ai dérobé le secret aux dieux ! (Il s’enfuit à travers le jardin, son chapeau à la main.)

Méphistophélès, à part. Malédiction sur toi, cervelle de singe ! Voilà qu’il prend son chapeau pour la lyre ! Laissons un peu ceux-ci se chamailler. (Il se retire à l’écart.)

Le peintre, riant toujours aux éclats. Regardez-le, regardez-le donc ! Quelle démarche théâtrale ! quelles contorsions ! Les cheveux épars, le manteau flottant dans la nuée orageuse, le chapeau dans les mains comme si c’était la harpe d’Ossian ! Parfait ! parfait ! L’excellente caricature !