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les sept cordes de la lyre

le critique. Vous voulez les copier, toutes mauvaises qu’elles sont ? Vraiment, les modernes sont bien bons d’emprunter aux anciens, lorsqu’ils sont tellement supérieurs à ce genre mesquin et rococo !

méphistophélès, à part. Je ne me presserai pas d’entrer en marché ; il est bon de les laisser s’échauffer dans la conversation. Avant dix minutes, ils vont se disputer. S’ils pouvaient briser la lyre sans sortir d’ici, ce serait le plus prompt et le plus sûr.

le peintre. Tiens toujours… Un peu plus droite, bon… j’y suis.

le critique. Cette tête de muse, qui est au sommet et vers laquelle les deux sirènes se courbent avec tant de grâce, est digne de l’antiquité.

le maestro. C’est Polymnie ou sainte Cécile ?

le poëte. C’est Érato. La lyre est bien plus l’emblème de la poésie que celui de la musique.

le maestro. Voilà une singulière prétention ! Essayez donc de faire résonner un instrument en récitant des vers ! Vous ne feriez même pas vibrer une guimbarde avec tous vos sonnets, mon cher ami.

le poëte. La lyre n’était, chez les anciens, qu’un accessoire, un accompagnement de la déclamation, un moyen de soutenir la voix et de scander le vers sur une certaine mesure… Par exemple, tenez…

le maestro, riant. Ah ! bon ! vous allez jouer de la lyre à présent ?

le poëte. Pourquoi non ? Il ne s’agit que de connaître la gamme sur les cordes et de suivre le rhythme poétique. Écoutez !

méphistophélès, à part. Ô lyre, voici ta fin ! (Le poëte déclame des vers en touchant les cordes de la lyre, qui reste