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les sept cordes de la lyre

toute votre fortune. Il aimera mieux vendre son lit. J’en ferais autant à sa place. Quand on a une pupille aussi jolie !…

hélène, se relevant. Taisez-vous, malheureux, et prenez la lyre. Elle est à vous. Rendez-moi ce billet.

méphistophélès. Un instant ! je ne puis prendre la lyre moi-même. Vous croiriez que je veux gagner dessus.

hélène. Et que m’importe ? Gagnez ce que vous pourrez ; puisqu’il faut que je m’en sépare, emportez-la tout de suite.

méphistophélès, à part. Peste soit du charme ! Il m’est interdit de la toucher moi-même. Il faut que je la fasse emporter par mes dupes. (Haut.) Non, mademoiselle, je ne traite pas les affaires ainsi. Il y va pour moi de l’honneur. J’ai déjà brocanté la lyre, mais je veux que le marché soit conclu devant vous. Les personnes qui veulent l’acquérir sont ici à deux pas, je cours les chercher. Songez que, si vous gagnez quelque chose en retour, vous pourrez l’employer à soulager la misère de maître Albertus. (Il sort.)

hélène, seule. Il a raison. Comment se fait-il qu’un homme si cupide et si grossier ait une sorte de délicatesse ?… Folle ! J’ai été folle !… Je le suis peut-être encore ! Oh ! oui, c’est pour cela que je ne puis rien apprendre, et que je suis simple et bornée comme un enfant. C’est pour cela aussi que je ne puis être amoureuse de personne, ni me décider à me marier. Si je suis folle, au reste, je fais bien de ne pas vouloir me mettre comme une infirme à la charge d’un mari. Et je ne dois pas être mère, car la folie est héréditaire… Mais je vais donc rester à la charge de maître Albertus !… Quel fardeau pour lui !… Oh ! ami trop géné-