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les sept cordes de la lyre

méphistophélès. Il faudra pourtant bien qu’il se gêne encore un peu, car j’ai besoin de mon argent. Je veux partir demain pour Venise, et il faut que j’aie achevé ce soir de rentrer dans tous mes fonds. Vous ne voulez pas me vendre la lyre ?

hélène. Mon Dieu, mon Dieu !

méphistophélès. Vous y tenez, vous avez raison. Oh ! ne vous gênez pas, il y a ici de quoi me payer Le mobilier est encore assez propre.

hélène. Mais rien ici n’est à moi ; vous n’avez pas le droit de saisir le mobilier de mon tuteur.

méphistophélès. Mais j’ai le droit de vous envoyer en prison. Et, comme votre tuteur ne voudra pas vous y laisser aller, et comme il n’a pas d’argent, il faudra bien qu’il laisse vendre ses meubles et ses effets. Bah ! voilà un bon manteau accroché à la muraille. C’est du luxe pour un philosophe. Un philosophe ne doit pas craindre le froid. Et son lit ! mais c’est un voluptueux ; une paillasse doit suffire à un stoïque.

hélène, se jetant à genoux. Oh ! ne le dépouillez pas, ne le faites pas souffrir. Il n’est plus jeune, il est souvent malade, et déjà il ne s’impose que trop de privations. Faites-moi conduire en prison ! qu’il ne le sache pas !…

méphistophélès. Quel bien cela me fera-t-il, que vous soyez en prison ? Je n’y vois qu’un avantage, c’est de me faire solder par votre tuteur… Allons, je vais lui dépêcher mon huissier, je n’ai pas un instant à perdre. J’ai dix affaires pareilles à finir aujourd’hui.

hélène. Oh ! monsieur, attendez que maître Albertus revienne. Je lui dirai de vous vendre la lyre.

méphistophélès. Il ne le voudra jamais. Maître Meinbaker la lui a confiée comme un dépôt. C’est