Page:Sand - Les Sept Cordes de la lyre.djvu/322

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sise sur un peuple d’esclaves méprisés ou d’affranchis méprisables ; mais ce n’est plus même le hasard de la naissance ou l’orgueil des services rendus au pays, qui préside à ces privilèges : c’est le hasard de la spéculation, c’est souvent le prix du vol, de l’usure ; c’est la protection accordée aux vices contempteurs de toute religion, aux crimes commis contre la patrie et l’humanité tout entière.

Il y a donc au sein de Paris une société libre et heureuse d’un certain bonheur sans idéal, réduite à la jouissance de la sensation. On appelle cela le monde. Que dis-tu de ce nom ambitieux et outrecuidant, toi, libre voyageur parmi les sphères de l’infini, à qui la terre tout entière apparaît comme un point perdu dans l’espace ? Eh bien, dans les imperceptibles détails de cet atome, il existe une petite caste qui a donné à ses frivoles réunions, à ses fêtes sans grandeur et sans symbole, le nom de monde, et dont chaque individu dit, en montant dans sa voiture pour aller parader parmi quelques groupes d’oisifs pressés dans certains salons de la grande ville de travail et de misère : Je vais dans le monde ; je vois le monde ; je suis homme du monde.

Étrange dérision ! vous êtes du monde, et vous ne savez pas qu’au sein de votre petit monde terrestre vous devenez un monstre et un non-sens dès que vous vous isolez de la race humaine dans le moindre de ses membres ! Vous êtes du monde, et vous ne savez pas qu’il y a un monde céleste et infini au milieu duquel vous vous agitez sans but et sans fruit, en contradiction que vous êtes avec toutes ses lois divines et naturelles ! Vous êtes du monde, et vous ne savez pas que votre devoir est de travailler comme homme, comme créa-