Page:Sand - Les Sept Cordes de la lyre.djvu/302

Cette page a été validée par deux contributeurs.
292
la fille d’albano

— Ma fille ? dit madame de Nancé avec effroi.

Tous se regardèrent avec étonnement.

Cependant, au bout d’une ligne blanche et poudreuse qui coupait les champs et les guérets, une chaise de poste volait, rapide comme le vent, et on entendait encore le claquement du fouet, les cris du postillon et le bruit sourd des roues qui laissaient derrière elles des nuages de poussière.

 

Aurélien fut sérieusement malade ; il eut des attaques de nerfs, une fièvre cérébrale, une convalescence pénible et lente.

L’année d’après, il reprit ses travaux par une mercuriale fort remarquable : ses amis crurent remplir un devoir en lui donnant des éloges proportionnés au degré d’intérêt que son malheur et son talent avaient le droit d’inspirer. Ce fut une première consolation qu’il goûta malgré lui et presque à son insu.

L’année suivante, madame de Nancé fut malade à son tour ; Aurélien soigna sa mère avec dévouement, avec anxiété. Lorsqu’elle revint à la vie, Aurélien sentit le prix de ce qui lui restait à toutes les angoisses que la crainte de la perdre avait réveillées en lui. Ses facultés de souffrir n’avaient point été épuisées par la fuite de Laurence ; ses facultés d’aimer ne l’étaient pas non plus. Pendant toute cette année, il vécut pour sa mère.

L’année suivante, il épousa une jeune demoiselle de bonne maison, qui lui apporta trente mille livres de rente, et, à force de s’entendre dire que la fortune avait une influence directe sur le bonheur, il commença à le croire.