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la fille d’albano

n’avais que toi, ma sœur, je traînerai mes jours désenchantés loin de toi qui pouvais me les faire si beaux !

— Ah !… s’écria la jeune fille.

Et elle arracha de son sein le bouquet de la fiancée.

— Vois, que le ciel est pur ! que l’air est enivrant ! que l’horizon est vaste ! s’écria Carlos rayonnant de joie et d’espérance ; vois, que la campagne est belle ! À nous tout cela ! à nous le monde !…

Ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre.

— Libre ! dit Carlos avec enthousiasme.

— Libre ! répéta Laurence en respirant plus largement.

Elle écrivit quelques mots sur un papier, le joignit à la couronne blanche qu’elle avait détachée de sa tête, le plaça sur une table, et, laissant tomber un dernier regard sur cette chambre qu’elle allait quitter pour jamais :

— Viens ! s’écria-t-elle en saisissant le bras de son frère…

Le curé du village était de retour, les cierges s’allumaient, les registres de l’état civil étaient ouverts, et le cortége allait partir. Aurélien, après avoir vainement cherché sa fiancée dans le jardin et dans le parc, courut à sa chambre, tressaillit à l’aspect des fleurs froissées qui jonchaient le parquet, saisit en tremblant le billet et la couronne.

« Je vous la rends, lui écrivait Laurence ; jamais à vous ! jamais à un autre ! »

— Laurence ! où est Laurence ? cria d’une voix tonnante Aurélien éperdu, au cortége qui attendait sur la terrasse.