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au mendiant chargé de la besace, au pauvre artiste qui voyage à pied et qui se repose là où le ciel est beau et la campagne riante.

La dame du lieu, aussi hospitalière dans sa dignité de châtelaine que le manoir dont elle faisait les honneurs, était encore belle avec cet embonpoint qui est pour la beauté comme l’été de la Saint-Martin ; ses cheveux gris, artistement frisés, faisaient un fort bon effet sous un bonnet de dentelle, et l’on aimait à voir, parmi ces boucles argentées, des roses artificielles qui semblaient défier le ridicule. En effet, la raillerie aurait expiré sur les lèvres de tout homme qui eût rencontré le regard bienveillant et le sourire affectueux de madame de Nancé, et, lorsqu’on avait pressé sa main blanche et ronde, il était impossible de se soustraire à la sympathie vraie qui était comme répandue dans l’atmosphère de cette femme excellente.

Avec les grands talents et le haut caractère d’un magistrat recommandable, Aurélien de Nancé avait toute la beauté qu’avait eue sa mère, toute la bonté de tempérament qu’elle avait encore. Une inclination marquée, en d’autres termes, une forte passion, l’avait décidé à épouser une jeune personne sans nom et sans fortune, mais telle, que la famille riche et noble des Nancé n’eût pu la repousser sans ridicule et sans injustice.

Elle était là, sans diamants ni dentelles, sans autre ornement à ses cheveux que le voile de gaze et le bouquet blanc de la fiancée ; belle de grâce, de poésie et de jeunesse, Laurence n’était plus une enfant ; elle connaissait déjà le monde, et pourtant, au milieu de l’assemblée solennelle des grands parents,