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le dieu inconnu

qu’une heure, et ton esprit est si étranger à l’esprit du vrai Dieu, qu’il me faudrait un an pour te convertir… Mais écoute : voilà l’image de ce Dieu, agenouille-toi devant elle en signe de respect, non pour le bois de ce crucifix, mais pour le fils de Dieu qu’il représente et qui est dans le ciel. Élève ton âme vers l’Éternel, et dis-lui ta peine. Sache seulement que c’est un Dieu bon et indulgent, un père pour les affligés et les contrits, un Dieu d’amour pour les agités et les fervents. Il n’est pas besoin d’interprète, de prêtre, ni d’ange, entre lui et toi. Prie-le seulement de regarder au fond de ton cœur ; il verra ce qui s’y passe, mieux que toi même, et, si tu désires sincèrement le connaître et le servir, il t’enverra la grâce, qui est un don plus précieux et une consolation plus puissante que les fausses délices de la vie.

— J’ai ouï prononcer des paroles semblables aux tiennes, reprit Léa ; on m’a raconté que les Nazaréens, condamnés à mort dans ces derniers temps, invoquaient tous un Dieu qu’ils appellent le Dieu d’amour et de grâce. Cependant, on dit qu’il ne ressemble en rien au dieu de Cythère et de Paphos, et j’ai peine à comprendre quelle grâce tu me promets de sa part. Néanmoins, puisque tu me permets de prier dans son temple, je vais l’invoquer ; car, si les dieux immortels connaissent les secrètes pensées des hommes, il n’en est que plus efficace de les leur révéler par l’invocation, afin de leur prouver qu’on espère en eux.

— Fais ce que tu veux, ô aveugle qui cherches la lumière ! répondit Pamphile. Puisse le Seigneur Dieu t’ouvrir les yeux !

Alors, la dame romaine s’agenouilla sur la terre