Page:Sand - Les Sept Cordes de la lyre.djvu/254

Cette page a été validée par deux contributeurs.

chose : je suis impatient et souvent brutal ; quand vous me verrez ainsi, souvenez-vous de certaines paroles qui auront le pouvoir de me calmer.

— Quelles sont-elles, monsieur ?

— Les voici : Respectez le nom de Carl. Dites-moi cela quand je vous traiterai durement.

— Il suffit, monsieur, répondit-il d’un air soumis.

Et sans éprouver ni curiosité ni surprise, il se mit à marcher devant moi.

II

Carl prétendait connaître parfaitement le pays ; mais, soit qu’il se flattât mal à propos, soit qu’il fût distrait plus encore qu’à l’ordinaire, la nuit était close lorsqu’il s’aperçut que nous avions perdu la route, et il fallut marcher pendant trois heures avant de la retrouver. Enfin, à plus de minuit, nous arrivâmes à F… J’étais si las, que je laissai Carl s’enquérir d’un gîte, et je me jetai sur une borne. Pas un réverbère n’était allumé, pas un habitant n’était debout, pas un rayon de lampe de nuit n’illuminait les fenêtres. Carl revint au bout d’une demi-heure me dire qu’il lui était impossible de se faire ouvrir nulle part ; que, même à l’auberge, on l’avait repoussé en le menaçant, du haut d’une lucarne, de lui dépêcher un coup de fusil s’il ne se retirait. Je pensai qu’il ne connaissait pas plus les rues de F… que les chemins de la montagne ; et, convaincu que toute remontrance