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lettres à marcie

Enfin, vous le savez, vous le déclarez vous-même, vous ne pouvez rentrer sous cette loi du passé. Votre désir d’être religieuse s’exprime comme un regret parce que vous sentez qu’il faudrait porter dans le cloître une âme aveugle et soumise ; mais ce que vous semblez vous proposer, ce vœu d’abstinence que vous êtes tentée violemment, dites-vous, de prononcer dans le secret de votre cœur, afin de mettre entre les vaines espérances et vous une barrière insurmontable, me paraît un remède pire que la mort.

D’abord, je vois dans votre avenir beaucoup de fondement à réaliser ces espérances de mariage et de maternité que je n’appellerai pas vaines, car elles sont justes et saintes, et Dieu sans doute les exaucera. Ensuite, je sais que, s’il ne le fait pas, il vous en dédommagera magnifiquement ; car la vertu trouve sa récompense en elle-même et en Dieu, qui sont une seule et même essence divine. Il vous fera entrer dans une voie de perfection que vous devez attendre et accepter, et non provoquer par l’impatience. Vous connaîtrez alors ces joie suprêmes de la sagesse victorieuse, ces mâles voluptés de l’abstinence, dont parle un grand écrivain moderne. Cette quiétude de l’âme, cette force du sentiment et de l’intelligence dans la vie ascétique, sont à coup sûr la condition la plus noble et la plus précieuse que l’esprit humain puisse attendre. Mais c’est une destinée d’exception, une sorte de prêtrise libre et sublime que Dieu consacre dans le mystère, en versant sur certaines têtes d’élite tous les parfums de son amour, tous les bienfaits de son adoption. Mais où seront ceux qui oseront prétendre à cette intimité avec la perfection céleste,