Page:Sand - Les Sept Cordes de la lyre.djvu/227

Cette page a été validée par deux contributeurs.
217
lettres à marcie

le christianisme, car elle a duré et elle durera. Ne refaisons pas nos vies d’après un type inconnu encore à créer, si nous voulons trouver l’accord tant cherché de la vie sociale et de la tradition divine. Par la vertu, nous arriverons à la vérité ; nous voulons vivre, nous devons vivre : or, la vie pour la famille humaine, c’est la foi, c’est la charité. Or, cette vie ne peut se réaliser qu’à la condition d’une règle chez l’individu, d’une préparation sérieuse à la bonté, au sacrifice. Du jour où nous aimerons, nous serons religieux et Dieu nous visitera.

Marcie, il est une heure dans la nuit que vous devez connaître, vous qui avez veillé au chevet des malades ou sur votre prie-Dieu, à gémir, à invoquer l’espérance : c’est l’heure qui précède le lever du jour ; alors, tout est froid, tout est triste ; les songes sont sinistres et les mourants ferment leurs paupières. Alors, j’ai perdu les plus chers d’entre les miens, et la mort est venue dans mon sein comme un désir. Cette heure, Marcie, vient de sonner pour nous ; nous avons veillé, nous avons pleuré, nous avons souffert, nous avons douté ; mais vous, Marcie, vous êtes plus jeune ; levez-vous donc et regardez : le matin descend déjà sur vous à travers les pampres et les giroflées de votre fenêtre. Votre lampe solitaire lutte et pâlit ; le soleil va se lever, son rayon court et tremble sur les cimes mouvantes des forêts ; la terre, sentant ses entrailles se féconder, s’étonne et s’émeut comme une jeune mère, quand, pour la première fois, dans son sein, l’enfant a tressailli.